Avec le prononcé d’une mesure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le Tribunal autorise le débiteur à poursuivre son activité dans le cadre d’une période d’observation renouvelable, afin de permettre notamment de faire un point sur l’importance du passif et les capacités financières, matérielles et humaines pour rechercher une solution : plan d’apurement, de cession, ou, à défaut, conversion en liquidation judiciaire.
La durée de la première période d’observation est de 6 mois maximum (article L626-3 du Code de Commerce), renouvelable une fois pour la même durée, à la demande du débiteur, de l’administrateur, ou du Ministère Public.
A l’échéance de cette seconde période d’observation, et dans le but de présenter un plan, il est fréquent de demander une poursuite exceptionnelle, laquelle est autorisée par le Tribunal sur demande exclusive du Procureur de la République (qui peut être saisi par le débiteur ou l’administrateur) pour obtenir une ultime prolongation d’une durée de 6 mois maximum (article R621-9 du Code de Commerce).
La durée totale des périodes d’observation (3) est donc de 18 mois maximum (sauf pour une exploitation agricole pour laquelle il est fait référence à l’année culturale).
A défaut de saisine directe du Procureur de la République, et ce, avant l’échéance de la seconde période d’observation, certains ont considéré qu’il était « vain de plaider une poursuite d’activité exceptionnelle au cours de l’audience, sans avoir saisi préalablement le Procureur de la République en ce sens » (Revue des Procédures Collectives n°1, janvier 2011, étude 6 « la période d’observation n’est pas indéfinie mais limitée dans le temps », étude Christophe DELATTRE).
Ainsi, à défaut de saisine directe du Procureur de la République par le débiteur ou l’administrateur, et faute pour celui-ci de requérir une prolongation exceptionnelle de la période d’observation, il devait être alors considéré qu’il ne pourrait y avoir prolongation exceptionnelle de la période d’observation (3ème période ; 2ème renouvellement).
En pratique, il a pu être constaté :
- que le Ministère Public refusait parfois l’autorisation de prolongation exceptionnelle (du fait par exemple d’un passif postérieur exigible non réglé, ou défaut d’assurance permettant de poursuivre l’exploitation, ou absence de liquidités suffisantes pour le règlement des charges nécessairement exposées au cours de la prolongation sollicitée, etc.)
- ou, plus rarement, que le Ministère Public, pourtant saisi, ne répondait pas à cette demande (n’y étant obligé sous peine de sanction par aucun texte),
- ou encore que personne ne se préoccupait de saisir le Procureur de la République à cette fin,
Cependant, en dépit de ces situations, les Tribunaux ont accepté de maintenir l’activité (au-delà des deux périodes d’observation) pour permettre au débiteur de finaliser son projet.
Mieux, au-delà de cette 3ème période d’observation (18 mois), il n’y avait parfois toujours pas de Jugement d’homologation de plan, de sorte que l’examen du dossier était à nouveau reporté sans conversion en liquidation judiciaire, certains parquetiers renonçant à cette demande en dépit des délais largement dépassés, alors animés par le souci de préserver des emplois.
Le Ministère Public peut, faute d’avoir été saisi formellement avant l’échéance de la 2ème période d’observation, ou qu’il n’avait pas requis la prolongation exceptionnelle (3ème période) pour une durée maximum de 6 mois, faire appel seul (article L661-6.I.2 du Code de Commerce), mais sans pourvoi en cassation (article L661-7 alinéa 1er du même Code), sauf pourvoi-nullité en cas d’excès de pouvoir commis par les Juges du fond.
Aucun texte ne sanctionne ni le dépassement des délais de la période d’observation, ni sa prolongation exceptionnelle en l’absence de demande du Procureur de la République (notamment Cour de Cassation, Chambre Commerciale, Arrêt du 10 juin 2008).
Ainsi, un Tribunal peut décider, sans que le Procureur ne le demande, de prolonger la période d’observation au-delà des 2 premières périodes de 6 mois, et ce, pour une nouvelle période de même durée, sous réserve de l’appel éventuel du Ministère Public contre la décision en se prévalant des dispositions de l’article L621-3 (applicable à la sauvegarde) et l’article L631-7 (en phase de redressement judiciaire).
La Cour d’Appel ainsi saisie peut refuser d’annuler ou réformer le Jugement et la Cour de Cassation de rappeler au Ministère Public que cet ultime recours ne lui est pas ouvert, sauf à démontrer un excès de pouvoir : tel n’est pas le cas lorsque le Tribunal prolonge exceptionnellement, pour une durée n’excédant pas 6 mois, la période d’observation en l’absence de demande du Ministère Public, ou malgré l’opposition formelle de ce dernier (Cour de Cassation, Chambre Commerciale, Arrêt du 13 décembre 2017).
Le Jugement attaqué avait pris soin de bien respecter le délai de la prolongation exceptionnelle, sans excéder la durée de 6 mois.
Peut-être la solution aurait-elle été différente s’il y avait prolongation exceptionnelle au-delà de la période de 6 mois.
Une étude plus approfondie a été faite par le Cabinet OPAL’JURIS sur cette problématique.