L’action d’un créancier en responsabilité personnelle contre le dirigeant d’une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs, n’est possible que si son préjudice est distinct de celui des autres créanciers et résulte d’une faute séparable des fonctions de dirigeant.

Des particuliers font rénover leur maison par un artisan qui crée par la suite une SARL dont il est le gérant. La société étant mise en liquidation judiciaire, ils déclarent leur créance au titre d’importantes malfaçons ; ils demandent aussi des dommages-intérêts au gérant en raison des fautes commises par lui dans la réalisation de leur chantier, sur le fondement du droit des sociétés (C. com. art. L 223-22).

La cour d’appel de Douai accueille leur demande estimant que l’intéressé a commis une faute personnelle et intentionnelle, détachable des fonctions qu’il a occupées dans la SARL.

Cette décision est censurée par la Haute Juridiction : les juges du fond devaient vérifier préalablement si les particuliers, qui recherchaient la responsabilité personnelle du gérant de la société pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective de celle-ci et avaient déclaré leur créance à la liquidation judiciaire, invoquaient un préjudice personnel, distinct de celui des autres créanciers (Cass. com. 29-11-2016 no 14-25.904 F-D)

A NOTER :

Confirmation de jurisprudence : la recevabilité d’une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier à l’encontre du dirigeant d’une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture, est subordonnée à l’allégation d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d’une faute du dirigeant séparable de ses fonctions (Cass. com. 7-3-2006 no 04-16.536 : Bull. civ. IV no 61).

Le mandataire judiciaire (ou le liquidateur judiciaire) a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers (C. com. art. L 622-20, al. 1, et sur renvoi de l’art. L 641-4, al. 3 pour la liquidation judiciaire).

Aussi, pour qu’un créancier soit recevable à agir individuellement en responsabilité contre le dirigeant d’une société en procédure collective, il doit prouver qu’il a subi un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers.

Il reste ensuite, s’agissant de l’action engagée par un tiers, à déterminer si la faute du dirigeant est détachable de ses fonctions (notamment, Cass. com. 27-1-1998 no 93-11.437 : RJDA 5/98 no 610; Cass. com. 20-5-2003 no 99-17.092 : RJDA 8-9/03 no 842).

Or la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que le dirigeant d’une entreprise de travaux qui commet des manquements aux règles de l’art d’une gravité certaine mais dont le caractère intentionnel n’est pas démontré ne commet pas une faute détachable (Cass. com. 31-1-2012 no 11-14.154 : RJDA 4/12 no 412; Cass. com. 21-1-2014 no 12-27.193 : RJDA 4/14 no 346).

Les chances de succès d’une action en responsabilité personnelle du dirigeant semblent donc faibles pour le créancier tant ces conditions sont exigeantes.

Source : Navis