Le dirigeant, qui commet une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, peut se voir condamné financièrement sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d’actif.

Il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation.

La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation (Arrêt du 27 juin 2014) avait saisi le Conseil Constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité qui lui avait été soumise concernant l’article L651-2 alinéa 1er du Code de Commerce.

La Cour de Cassation saisie de la QPC sur le pouvoir de modulation octroyé aux Juges, a estimé que la question posée était intéressante, et devait être soumise au Conseil Constitutionnel, puisque des solutions permettent d’exclure toute réparation de la part de dirigeants fautifs et responsables, ou d’en déterminer l’étendue, sans parallèlement énoncer les critères à prendre en considération par le Juge ; ceci, selon la Cour de Cassation, paraît susceptible d’affecter le principe de responsabilité pour fautes découlant de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, ainsi que l’égalité devant la Loi tant des victimes lésées que des dirigeants dont la responsabilité est engagée.

Ce pouvoir d’exonération conféré aux Juridictions, comme des modulations, s’explique par le fait qu’il convient en principe de prendre en compte d’une part la gravité des fautes de gestion commises par ce dirigeant, voire leur nombre, d’autre part, l’état de leur patrimoine ; et, enfin, tenir compte des facteurs économiques entourant la défaillance des entreprises et des risques inhérents à leur exploitation.

Ce pouvoir de modulation répond à l’objectif d’intérêt général de favoriser la création et le développement des entreprises.

En conséquence, les dispositions contestées de l’article L651-2 alinéa 1er du Code de Commerce n’ont pas, selon le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 26 septembre 2014, pour effet de conférer aux Juridictions un pouvoir arbitraire dans la mise en œuvre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Ainsi, le fait que les Juridictions puissent, en dépit de fautes de gestion prouvées en relation avec l’insuffisance d’actif avérée, exonérer totalement ou en grande partie le dirigeant poursuivi, constitue des limites aux dispositions de l’article 1240 (ex-1382) du Code Civil, qui ne portent pas d’atteinte disproportionnée aux droits des victimes des actes fautifs du dirigeant, ni d’ailleurs au droit à un recours juridictionnel effectif.

Les différences de traitement entre un dirigeant d’entreprise (soumis à l’article L651-2 alinéa 1er du Code de Commerce) et une personne lambda devant répondre de sa faute (article 1240 du Code Civil) s’expliquent par l’objectif d’intérêt général rappelé ci-dessus.

La position ainsi adoptée par le Conseil Constitutionnel n’entraîne aucune modification en profondeur sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Il y a égalité devant la Loi, même si l’article L651-2 du Code de Commerce soumis à QPC, aurait pu être perçu comme violant le principe d’égalité, puisqu’un dirigeant fautif pourrait être condamné à combler l’insuffisance d’actif, alors qu’un autre, pour des fautes identiques, pourrait échapper à toute obligation, puisque les mêmes fautes ne conduisent pas aux mêmes conséquences sur le terrain de la responsabilité.

Désormais, la loi (dite SAPIN II) du 9 décembre 2016 (article 146), « afin de faciliter le rebond du dirigeant de bonne foi », ajoute au premier alinéa de l’article L651-2 du Code de Commerce : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. ».

Dès lors, il s’agit d’un moyen d’irrecevabilité, interdisant l’examen au fond.

Comment, sans analyser le fond, constater d’emblée l’irrecevabilité liée à la « simple négligence » ?

En outre, pourquoi ne viser que la gestion de la « société » (et non personne morale) ?

En l’état, les autres dirigeants sont exclus, à l’instar de l’E.I.R.L.

A l’évidence, le législateur va devoir revoir son texte.

Me Stanislas DUHAMEL (stanislas.duhamel@opaljuris.fr) dispose d’une solide expérience (plus d’une centaine de décisions judiciaires ou transactions).

Maîtrisant cette question technique, agissant à la requête des mandataires judiciaires ou des chefs d’entreprise poursuivis, il intervient depuis plusieurs années dans des colloques professionnels pour présenter cette problématique et répondre aux questions, en tant que spécialiste reconnu.