Cass. com. 13-9-2017 no 16-10.206 FS-PBI, Sté Crédit Lyonnais c/ L.
Le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble est inopposable bénéficie d’un droit de poursuite sur ce bien. Après la procédure collective de son débiteur, il peut obtenir un titre exécutoire par une action en constatation de l’existence de sa créance.
La déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale d’un entrepreneur qui a été publiée avant le 8 août 2015 n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur (C. com. art. L 526-1 dans sa rédaction antérieure à la loi du 6-8-2015).
En 2010, un entrepreneur déclare devant notaire l’insaisissabilité de la résidence principale qu’il vient d’acheter grâce à un prêt bancaire ; il est mis en liquidation judiciaire un an plus tard. La banque prêteuse déclare sa créance et, faisant valoir que cette créance est antérieure à la déclaration d’insaisissabilité, elle demande au juge de lui délivrer un titre exécutoire afin de saisir la résidence.
La cour d’appel de Lyon rejette la demande, estimant qu’aucun texte ne lui permet d’y faire droit.
Cassation de cette décision par la Haute Juridiction. Le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d’un droit de poursuite sur l’immeuble objet de la déclaration, qu’il doit être en mesure d’exercer en obtenant, s’il n’en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constatés l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance.
L’article L 526-1 du Code de commerce institue désormais une insaisissabilité de droit de la résidence principale et autorise l’entrepreneur à faire une déclaration d’insaisissabilité pour ses autres biens immobiliers non affectés à son activité professionnelle.
La difficulté d’application de ce texte en cas de procédure collective du débiteur vient de ce que l’insaisissabilité n’est opposable qu’à certains créanciers (les créanciers dont la créance est née à l’occasion de l’activité professionnelle et, pour les immeubles qui ne sont pas la résidence principale, après la publication de la déclaration d’insaisissabilité).
Elle est inopposable aux autres (principalement les créanciers personnels) qui peuvent donc saisir l’immeuble.
Cette distinction du sort des créanciers est difficilement compatible avec la règle de l’égalité des créanciers dont la créance est née avant l’ouverture de la procédure collective.
L’immeuble sous déclaration d’insaisissabilité est exclu du périmètre de la liquidation judiciaire (Cass. com. 13-3-2012 no 10-27.087 F-D : Rev. sociétés 2012 p. 394 chron. L. -C. Henry). Le liquidateur judiciaire ne peut donc pas vendre l’immeuble insaisissable (Cass. com. 28-6-2011 no 10-15.482 FS-PBRI : RJDA 11/11 no 957) mais il peut contester la régularité de la déclaration (Cass. com. 15-11-2016 no 14-26.287 FS-PBI : BRDA 22/16 inf. 8).
Le créancier auquel l’insaisissabilité est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur le bien et le faire saisir (Cass. com. 5-4-2016 no 14-24.640 FS-PB : BRDA 9/16 inf. 6). Dans cette affaire, le créancier saisissant était titulaire d’un titre exécutoire, lui permettant de saisir l’immeuble.
Qu’en était-il du créancier non titulaire d’un titre ? Un conflit de normes existe entre le droit de saisir le bien, qui nécessite l’existence d’un titre, et l’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur mis en procédure collective.
Pour permettre au créancier d’exercer le droit de saisie qu’elle lui avait accordé, la Cour de cassation prévoit une dérogation à l’interdiction d’agir contre le débiteur.
Il peut obtenir un titre exécutoire constatant l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance, comme l’exige la loi, pour pouvoir procéder à une saisie immobilière (C. exécution art. L 111-2 et L 311-2).
Toutefois, cette action ne doit pas conduire à une condamnation au paiement, mais à la saisie du bien. C’est pourquoi il est précisé que l’action tend à voir constatés l’existence, le montant et l’exigibilité de la créance.
Source : Navis