CA Aix-en-Provence 20-7-2017 no 15/06423
Le fait que des parts sociales soient cédées à un prix inférieur au montant des bénéfices réalisés par la société à la date de la cession ne prouve pas que la cession soit intervenue après cette date. Les cédants n’ont donc aucun droit sur ces bénéfices.

Des associés de SARL cèdent leurs parts pour 150 000 €. Trois semaines plus tard, alors que le gérant a démissionné, celui-ci préside une assemblée générale ordinaire (AGO) décidant la distribution aux cédants des bénéfices réalisés par la société à la date de la cession(plus de 170 000 €).

L’acquéreur contestant cette distribution, les cédants font valoir que ces bénéfices doivent leur revenir pour les raisons suivantes :

– la cession n’est pas intervenue à la date figurant sur les actes de cession mais un mois après l’AGO, comme l’attestent, d’une part, les SMS et les e-mails échangés après cette date entre l’acquéreur et les cédants ou la société et, d’autre part, le retard avec lequel les actes de cession ont été enregistrés et le chèque de l’acquéreur encaissé ;

– le principe d’une mise en distribution des bénéfices avait été décidé en assemblée extraordinaire deux semaines avant la signature des actes de cession ;

– l’acquéreur ne peut pas soutenir avoir acquis pour 150 000 € des parts donnant droit à plus de 170 000 € de bénéfices.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence écarte ces arguments.

La cession a donné lieu à la signature de plusieurs actes (deux actes de cession et deux conventions de garantie de passif) portant la même date et signés par des personnes différentes (chacun des cédants et l’acquéreur) ; dans tous les cas, la date figurant sur ces actes se trouvait à proximité des signatures et l’acte de démission du gérant, rédigé et daté par celui-ci, portait également cette date. Aucune erreur de date ne pouvait donc être invoquée.

Les échanges de SMS (simples photographies d’écrans de portables) n’offrent pas suffisamment de garanties d’authenticité pour contredire utilement les actes précités. Au demeurant, ils ne démontrent pas que la cession serait intervenue après la date portée sur ces actes. Notamment, un message qui ne se référait à aucune date de signature mais demandait simplement « si le protocole [était] terminé et la cession des parts [était] prête » n’impliquait pas que les actes n’étaient pas encore signés et pouvait faire allusion à des copies ou à des documents nécessaires à l’accomplissement des formalités.

Les e-mails, authentifiés par huissier, ne démontrent rien non plus. Ainsi, aucune conséquence sur la date de signature des actes ne peut être tirée d’un e-mail par lequel l’acquéreur a relancé le comptable de la société pour obtenir des documents.

Le procès-verbal de l’assemblée extraordinaire était contredit par les déclarations faites par les cédants dans les conventions de garantie de passif selon lesquelles, depuis la fin de l’exercice précédant la cession, la société n’avait distribué aucun dividende ni aucune réserve. Ce procès-verbal n’ayant pas été publié, il n’avait de toute façon pas date certaine.

Aucune conséquence ne peut être tirée du retard avec lequel les actes de cession ont été enregistrés et le chèque de l’acquéreur encaissé.

Même s’il est étonnant que le prix de cession ait été fixé à un montant inférieur à celui de l’actif net de la société, cela ne suffit pas à démontrer que la cession n’était pas intervenue avant la distribution de bénéfices litigieuse.

Cette distribution, irrégulièrement décidée par une assemblée présidée par le gérant démissionnaire après l’entrée en jouissance des parts, est donc inopposable à l’acquéreur, qui est fondé à demander le remboursement des bénéfices.

 

Source : Navis