En l’absence de recours exercé devant l’inspecteur du travail contre les avis du médecin du travail,
ces derniers s’imposent au juge.
Soc. 21 sept. 2017, FS-P+B, n° 16-16.549
Par cet arrêt du 21 septembre 2017, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle «en l’absence de recours exercé devant l’inspecteur du travail contre les avis du médecin du travail, ceux-ci s’imposent au juge » (Soc. 17 déc. 2014, n° 13-12.277, Dalloz actualité, 21 janv. 2015, art. C. Fleuriot ; 2 févr. 1994, n° 88-42.171, Bull. civ. V, n° 43).
En l’espèce, un salarié à l’issue de deux examens médicaux a été déclaré apte à son poste avec restriction. Un peu moins d’un mois plus tard, le médecin du travail, après étude du poste, a déclaré le salarié inapte à son poste. Par suite, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Selon la cour d’appel, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
L’arrêt retient qu’en application des articles R. 4624-34 et R. 4624-47 du code du travail, le médecin du travail doit à l’issue de chacun des examens médicaux, établir une fiche médicale d’aptitude en double exemplaire qui mentionne les délais et voies de recours aux intéressés.
C’est dans ce cadre que s’inscrit la contestation offerte à l’une des parties devant l’inspecteur du travail dont relève l’établissement qui emploie le salarié.
Ce formalisme étant une garantie de fond des droits des salariés de sorte qu’un avis rendu selon une procédure non conforme à celui-ci ne pourrait servir de cause au licenciement. En conséquence, les juges du fond ont considéré que l’employeur ne pouvait se prévaloir, pour justifier du licenciement du salarié, d’un courrier que lui a envoyé le médecin du travail, sans copie au salarié et en contradiction avec les deux avis d’aptitude du salarié au poste.
L’arrêt est censuré au visa des articles L. 4624-1 et R. 4624-31 du code du travail.
L’action du salarié aurait dû être précédée de la contestation de l’avis du médecin du travail devant l’inspecteur du travail, d’autant plus que les chances d’aboutir étaient bien présentes.
Cet arrêt est l’occasion de revenir sur les règles procédurales applicables en matière de contestation de l’avis du médecin du travail.
En application de la loi « Travail » n° 2016-1088 du 8 août 2016, la contestation d’éléments de nature médicale justifiant l’avis émis par le médecin du travail nécessite la saisine par la voie des référés du Conseil de prud’hommes aux fins d’une demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel (C.
trav., art. L. 4624-7).
La lettre du texte était néanmoins ambiguë, en ce sens qu’elle semblait laisser place à la saisine du Conseil de prud’hommes au fond aux fins de charger le médecin-inspecteur du travail : « III.-La formation de référé ou, le cas échéant, le conseil de prud’hommes saisi au fond peut en outre charger le médecin inspecteur du travail d’une consultation relative à la contestation, dans les conditions prévues aux articles 256 à 258 du code de procédure civile ».
Pour mettre fin à ces divergences interprétatives, le décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017 portant diverses dispositions procédurales relatives aux juridictions du travail a précisé « la formation de référé ou le bureau de jugement saisi ne peut charger le médecin-inspecteur d’une consultation qu’après avoir désigné un médecin-expert ».
Il faut noter toutefois que ces dispositions ont été une nouvelle fois remaniées par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.
L’article 8 prévoit que le « Conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers ».
L’employeur pourra également mandater un médecin à qui seront communiqués tous les éléments médicaux servant à la prise de décision du médecin du travail. Les frais engendrés par cette instruction seront mis à la charge de la partie perdante au procès, sauf si le Conseil de prud’hommes en décide autrement, par décision motivée.
Source : Dalloz actualité