Comme souvent, le régime des procédures collectives se heurte aux autres branches du droit, comme en l’espèce au régime de l’indivision.
Pour illustrer ce propos, il sera pris l’exemple classique du commerçant marié sous le régime de la séparation de biens, propriétaire d’un bien indivis avec son conjoint, soumis à une procédure collective, et plus particulièrement une procédure de liquidation judiciaire.
A quelles conditions le liquidateur judiciaire peut-il appréhender la quote-part indivise de l’indivisaire débiteur ?
Alors que le droit des procédures collectives pose le principe de l’égalité des créanciers, le droit de l’indivision traite quant à lui différemment les créanciers, selon qu’il s’agisse de créanciers de l’indivision ou de créanciers personnels de tous les indivisaires. (Article 815-17 du Code civil)
  • Un droit de poursuite restreint des créanciers personnels de l’indivisaire débiteur 
Le principe est celui de l’exclusion du bien indivis du droit de gage général des créanciers personnels de l’indivisaire débiteur et de l’insaisissabilité par les créanciers personnels de l’indivisaire débiteur de sa quote-part indivise.

L’indivision née antérieurement au Jugement d’ouverture reste « hors procédure ».

Deux exceptions à ce principe, faisant entrer le bien indivis dans l’actif procédural :
– d’une part lorsque l’ouverture de la procédure collective précède l’indivision (critère temporel) ;
– d’autre part lorsque tous les indivisaires sont soumis à une procédure collective unique (confusion des patrimoines).
En dehors de ces hypothèses, l’action des organes de représentation des créanciers doit donc être réduite à la faculté de provoquer le partage de l’indivision, sur le fondement de l’Article 815-17 alinéa 2 du Code civil, et la vente sur licitation (alinéa 3 de l’Article précité), sans avoir à demander l’autorisation préalable du Juge commissaire.
Encore faut-il que l’action en partage exercée par l’organe de représentation des créanciers respecte les conditions de l’action oblique. (Article 1166 du Code civil)
A l’évidence, tel n’est pas le cas lorsque cette action est engagée postérieurement au Jugement de liquidation judiciaire, puisque l’action oblique nécessite que ce soit le débiteur lui-même qui néglige d’exercer ses droits et actions et non le liquidateur judiciaire, seul habilité à représenter le débiteur.
L’action oblique se heurte donc à la règle du dessaisissement posé par l’Article L 641-9 du Code de commerce.
En revanche, l’action en partage de l’indivision et vente sur licitation du bien indivis, fondée sur l’Article 815 du Code civil, est admise, le liquidateur ne faisant qu’exercer l’action du débiteur dessaisi fondée sur le principe selon lequel nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision. (Cass. com. 29/06/2011, n° 10-25.098)

Seules les sommes devant revenir à l’indivisaire en liquidation judiciaire à l’issue des opérations de liquidation et de partage pourront être appréhendées par le liquidateur.

La première Chambre Civile de la Cour de Cassation a, par un Arrêt du 3 avril 2019, renforcé la protection du logement familial pour les procédures collectives ouvertes avant l’application de la Loi Macron du 6 août 2015, logement familial qui n’avait alors pas fait l’objet d’une déclaration notariée d’insaisissabilité.

L’entrepreneur individuel ne pouvait pas en l’espèce se prévaloir de l’insaisissabilité soit par déclaration, soit par l’effet de la Loi.

Désormais, il pourra être opposé un nouveau frein au Liquidateur, à savoir la protection du logement familial au sens de l’article 215 du Code Civil; en l’espèce, le liquidateur avait agi en tant que représentant du débiteur dessaisi, et non en tant que défenseur de l’intérêt collectif des créanciers.
  • L’affranchissement du droit de poursuite individuelle des créanciers de l’indivision du respect de la discipline collective 
Il est en effet rappelé que l’Article 815-17 du Code civil réserve un sort différents aux créanciers personnels des indivisaires et aux créanciers de l’indivision: ils seront payés par prélèvement sur l’actif avant le partage.
Les créanciers de l’indivision qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu’il y ait eu indivision (à l’exemple du Banquier qui a accordé un prêt aux coindivisaires pour l’acquisition ou la rénovation de l’immeuble indivis) ne sont pas soumis à la discipline collective (notamment l’arrêt des poursuites individuelles).
De même, il a été jugé que tout créancier (y compris un indivisaire) dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis peut faire valoir les droits qu’il tient de l’Article 815-17 alinéa 1 du Code civil, après l’ouverture de  la procédure collective de l’un des indivisaires, sans avoir à déclarer sa créance à celle-ci. (Cass. com. 2 Juin 2015, n° 12-29.405)

Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis, malgré l’ouverture d’une procédure collective.

Une étude approfondie a été menée sur ces questions par le Cabinet OPAL’JURIS.