Les créances réciproques entre deux sociétés ne sont pas, après la mise en procédure collective de l’une d’elles, compensables si elles sont nées de contrats distincts ne constituant pas un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations des sociétés.

Le jugement ouvrant une procédure collective emporte, de plein droit, interdiction pour le débiteur de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes (C. com. art. L 622-7, I).

Après la mise en redressement judiciaire d’une société (A), une autre société (B) déclare sa créance au titre d’un contrat de travail à façon, et précise que celle-ci doit être compensée avec les sommes qu’elle devait avant l’ouverture de la procédure à la société A au titre d’un bail commercial.

La Cour d’appel de Douai admet la compensation, déduisant de l’argumentation suivante que les créances réciproques sont connexes : si le contrat de travail à façon et le bail commercial sont distincts, ils trouvent toutefois leur origine commune dans l’acquisition faite par la société B, quelques années auparavant, d’une branche d’activité de la société A, cette dernière ayant donné en location les locaux à la société B avec fourniture d’énergie, pour l’exploitation de son activité sur le même site industriel, tout en devenant cliente de cette société ; ces contrats sont donc la traduction d’une opération économique unique dans laquelle les intérêts des deux sociétés sont étroitement imbriqués.

La Cour de cassation censure cette décision.

Les motifs relevés par la cour d’appel sont impropres à caractériser un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations des sociétés, permettant d’établir un lien de connexité entre les créances et les dettes réciproques (Cass. com. 20-4-2017 no 15-25.319 F-D, Sté S. ès qual. c/ Sté Colmant Coated Fabrics)

A NOTER :

 Application d’un principe constant : la Cour de cassation ne reconnaît la connexité entre des créances réciproques résultant de contrats distincts que si ceux-ci forment un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations d’affaires entre les parties (Cass. com. 9-5-1995 no 93-11.724 P : Bull. civ. IV no 130; Cass. com. 18-2-2003 no 00-13.369 F-D : RJDA 8-9/03 no 849; Cass. com. 14 octobre 2014 no 13-24.482 FS-D : RJDA 12/14 no 936).

Par exemple, la connexité a été retenue entre les créances d’une coopérative pour ses livraisons à un adhérent et celles de celui-ci sur la coopérative née du contrat d’adhésion, du règlement intérieur et de prestations publicitaires faites au profit de cette dernière (Cass. com. 1-4-1997 no 94-17.516 D : RJDA 8-9/97 no 1072).

Dans un cas où les statuts et le règlement intérieur d’une société stipulaient que les actionnaires qui cessaient leur activité devaient lui rembourser le montant des factures qu’elle avait payées en leur nom et pour leur compte, en vertu d’un contrat de mandat, et lui céder leurs actions, le contrat de société, à l’origine de cette dernière obligation, et celui de mandat forment un ensemble contractuel unique d’où dérivent les créances réciproques, de sorte que ces créances sont connexes et peuvent se compenser en cas de procédure collective (Cass. com. 14-10-2014 no 13-24.482 FS-D : RJDA 12/14 no 936).

 

Source : Navis