Lors de la conclusion d’un nouveau contrat entre l’apprenti et un nouvel employeur pour achever la formation, seule peut être prévue une période d’essai dans les conditions de celles applicables en matière de contrat à durée indéterminée ou déterminée selon la nature du contrat en cause.

 
Soc. 25 oct. 2017, F-P+B, n° 16-19.608

 
Il se forge au fil des arrêts rendus par la Cour de cassation une jurisprudence relative aux modes de rupture du contrat d’apprentissage.

La décision rapportée y contribue.

Elle a également pour intérêt d’apporter un éclairage précieux quant au régime juridique de la période d’essai applicable en matière de contrats d’apprentissage successifs.

Dans cette affaire, un apprenti avait d’un commun accord rompu son premier contrat d’apprentissage après huit mois de relation de travail puis a été engagé chez un autre employeur pour continuer sa formation.

Le second contrat avait débuté le 25 juillet 2014.

Ainsi, la période d’essai était celle en vigueur avant la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, soit deux mois à compter de l’embauche.

En effet, l’article L. 6222-18 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoyait que « le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties durant les deux premiers mois de l’apprentissage ».

En l’espèce, le délai de deux mois au cours duquel les parties pouvaient, l’une ou l’autre, rompre le contrat d’apprentissage qui les liait, expiré le 25 septembre 2014.

Ainsi, à compter de cette date, la rupture du contrat d’apprentissage ne pouvait, hors décision judiciaire, être prononcée que, sur accord signé des deux parties.

Toutefois, l’employeur a remis à l’apprenti, en mains propres, le 4 septembre 2014, un document daté du 5 septembre 2014 intitulé « résiliation du contrat d’apprentissage d’un commun accord », exemplaire à conserver par l’apprenti, l’informant de la rupture du contrat à effet le lendemain.

Précision faite que le salarié n’a pas signé ce document.

L’apprenti saisit dès lors la juridiction prud’homale aux fins de rendre imputable à l’employeur la rupture du contrat d’apprentissage et de solliciter le versement de dommages-intérêts.

Condamné en appel, l’employeur forme un pourvoi en cassation en soutenant qu’il était dans le délai pour pouvoir rompre librement le contrat d’apprentissage dans la mesure où la période d’essai  expirait le 25 septembre 2014.

La Cour de cassation ne retient pas cette argumentation en  appliquant à la lettre le dernier alinéa de l’article L. 6222-18 du code du travail précisant que « les articles L. 1221-19 et L. 1242-10 sont applicables lorsque après la rupture d’un contrat d’apprentissage, un nouveau contrat est conclu entre l’apprenti et un nouvel employeur pour achever la formation ».

Dès lors, par exception, la période d’essai pouvant être applicable n’est pas de deux mois mais d’un mois dans la mesure où le contrat en cause comportait un terme supérieur à six mois.

L’employeur ne pouvait donc pas se prévaloir du régime juridique de la période d’essai pour rompre librement le contrat d’apprentissage en cause. Il ne pouvait pas non plus arguer  l’existence d’une rupture amiable du contrat d’apprentissage sans l’accord exprès de l’apprenti et de son représentant légal.

La Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de rappeler cette exigence dans une décision 05 février 1992 (Soc. 5 févr. 1992, D. 1992. 89 ).

À l’évidence, dans cette affaire, l’employeur avait agi de façon désordonnée en se prévalant d’une rupture amiable sans consentement de l’apprenti.

L’employeur aurait dû se conformer strictement aux étapes de la procédure de résiliation judiciaire prévue par le code du travail.

Sur ce point, la Cour de cassation ne fait que confirmer la jurisprudence constante (V. not. Soc. 22 avr. 1997, n°94-40.431, D. 1998. 91 , note J.-P. Karaquillo ; 23 sept. 2008, n° 07-41.748, RDT 2008. 735, obs. C. Vigneau ).

Par conséquent, la relation contractuelle demeure et se poursuit jusqu’à la décision du juge sans que celle-ci ne puisse excéder l’échéance du contrat d’apprentissage.

L’apprenti est dans ce cas fondé à percevoir l’ensemble des rémunérations durant cette période.

Il lui reste également la possibilité de plaider, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile, un préjudice lié à la perte de chance d’obtenir une qualification professionnelle à laquelle il se préparait.

 

Source : Dalloz Actualité / Wolfgang Fraisse